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Fatima GAOUA
Psychologue clinicienne
Cabinet: 8 rue mont thabor
75001 Paris
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                                                                  L’AUTISME

 


Le terme d’« autisme », créé en 1907 par Eugène Bleuler (1857-1939), est dérivé du grec « autos » (soi-même) pour désigner le repli du sujet sur son monde intérieur et une absence de tout contact avec l’extérieur pouvant aller jusqu’au mutisme. Léo Kanner (1894-1981) est le premier à avoir décrit le tableau clinique de l’autisme à partir d’une observation de 11 enfants. Il parle d’ « autisme infantile précoce » et dégage cinq signes cliniques qui, selon lui, permettent de reconnaître la « psychose autistique » : Le début précoce des troubles (dès les premiers mois), l’isolement extrême, le besoin d’immuabilité, les stéréotypies gestuelles, les troubles du langage. Il évoluera vers une théorie organiciste qui l’opposera à la théorie psychanalytique. Pendant des années, les parents, les médecins traitants, neurologues ont cherché, certains cherchent encore, en vain une cause organique, neurologique. Mais à ce jour aucun gène de l’autisme n’a été trouvé.
Une opposition féroce a existé entre tenants de l’origine organiciste de l’autisme et ceux de l’origine psychique. Aujourd’hui, il y a encore de très fortes oppositions entre les partisans de l’éducatif, du tout éducatif (Méthodes et programmes TEACH, ABA) et les autres. Ce type de querelle peut être très violente et ne fait en rien avancer la recherche sur l’autisme. En revanche, des équipes trouvent le terrain de s’écouter et de travailler de concert. L’autisme en ce qu’il nous interroge au cœur de nous-mêmes provoque ces passions.
Mélanie Klein, Donald Winnicott, Frances Tustin, Bruno Bettelheim, Maud Mannoni avec la création de l’école de Bonneuil, Françoise Dolto… et plus près de nous, Geneviève Haag, Henri Rey-Flaud, Pierre Delion, Jean-Claude Maleval… vont travailler sur l’autisme et apporter chacun des pistes de réflexion autres que nous verrons bien entendu.

"Se trouver en présence de sujets atteints de psychose infantile et d’autisme peut faire mal. Le clinicien y entrevoit un monde de non-limite. Que faire face à ces corps qui parfois crient la souffrance, l’enfermement, ces corps  figés, distordus et informes. 
Le regard est fuyant, déourné, incapable de supporter celui d’autrui. Le contact corporel est sans nuances ; il donne lieu soit à un « collage » contre l’autre" soit une mise à distance, pour ne pas toucher l’autre. Ce toucher peut être vécu comme intrusif, violant l’intégrité de l’autiste. Il y aurait une défaillance du pare-excitation. Le pare-excitation on peut dire que c’est la peau qui a cette fonction. Elle est essentielle car elle installe la fonction de contenance et de mise en lien de toutes les parties du corps. (Cf. les travaux de Didier Anzieu sur le moi-peau, sur les enveloppes corporelles et l’enveloppe psychique.) Des techniques du corps comme le pack ont été introduites pour permettre au sujet autiste de s’approprier, à un moment particulier, son corps. Par exemple, les autistes sont plus à l’aise dans de petits espaces ; certains enfants ou adultes d’ailleurs se cachent dans les placards, les cartons. Afin de trouver une limite à leur corps. Un grand espace peut les angoisser car la limite est floue et ils peuvent avoir la sensation de fondre dans l’espace, d’être comme engloutis. La peau fait limite, bord, entre dedans et dehors, intérieur et extérieur. L’angoisse d’effondrement, dont parle Winnicott lorsqu’il évoque la relation du bébé à sa mère, se retrouve chez l’enfant ou l’adulte autiste. C’est l’impression de chuter sans fin.
Des stratégies de défense peuvent être mises en place pour lutter contre son angoisse : excitabilité, retrait, isolement, mutisme, balancement, écholalies, auto-agressivité, hétéro agressivité….ou encore création d’objets autistiques qui ont d’ailleurs été qualifiés par certains praticiens et théoriciens « d’anomalies comportementales » alors que les témoignages d’autistes (cf.Temple Grandin, Birger Sellim) montrent leur fonction protectrice qu’il est important de ne pas négliger.
Pourquoi l’autiste souffre-t-il tant de son corps ?
Peut-être parce que son corps ne serait pas symbolisé et serait pris dans le réel à défaut d’être pris dans le langage, peut-être parce qu’il il n’y aurait pas eu de métaphore ; pour reprendre la métaphore d’Henri Rey-Flaud, l’autiste « s’est arrêté au seuil du langage». Comment comprendre ce qui s’est passé pour lui ?
La clinique montre que le sujet autiste est resté au stade du pré-spéculaire c’est-à dire que le stade du miroir (cf. Jacques Lacan, les écrits) n’est pas advenu car lui, il est resté en deçà.
« Ce moment primordial » où d’un corps morcelé, l’enfant se vit pour la première fois comme une totalité ou plus précisément anticipe sur sa totalité, le sujet autiste, lui, il n’y accède pas. L’autiste souffrirait alors de ne pas avoir de corps total mais un corps morcelé. Avant le stade du miroir, le moi n’est pas unifié, il représente juste des morceaux de corps épars. Se voir entier dans le miroir afin que le « je » advienne c’est une autre des fonctions fondamentales structurantes du stade du miroir à laquelle le sujet autiste se refuse.
Dans ce moment primordial, un Autre est là pour indiquer à l’enfant qu’il s’agit bien de lui dans ce miroir, cette image d’un corps unifié qui lui est renvoyée. Cet Autre qui peut être la mère -mais pas nécessairement- vient nommer le petit d’homme en tant que sujet divisé, en tant qu’être parlant marqué par le langage ce à quoi l’autiste tourne le dos.

Cet éclaircissement pourrait nous permettre d’envisager l’autisme autrement que comme un trouble du développement mais comme une position singulière du rapport à l’Autre, au monde et aux objets qu’adopte le sujet autiste. Penser dans cette direction nous montre à quel point les techniques éducatives simples, de rééducation du corps sont vouées à l’échec. Envisager les choses sous cet angle c’est en effet ouvrir la prise en charge que nous proposons dans nos institutions et ailleurs à davantage de liberté, de jeu, de créativité…                 
 

1- Au seuil du figurable, E.Allouch